Cerisiers roses et pommiers blancs

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Quand nous jouions a la marelle
Cerisiers roses et pommiers blancs.
J'aime le debut de Mars en Europe. On sent que l'hiver touche a sa fin. On sait que legalement le printemps commence au 21 du mois. On sait aussi que le printemps canonique, c'est-a-dire Paques, va etre bientot la. Mais le printemps botanique s'annonce, et en Europe, le plus magnifiquement, par les arbres en fleurs.
Il y a quelque chose de magique. Quelques semaines auparavant, c'etait les brises de fevrier. Tout etait gris, maussade, froid, venteux, humide, comme un mauvais rhume qui s'eternise. Les arbres sont rabougris, levant au ciel des branches rachitiques comme autant de maledictions. On attend le vert pour que s'adoucie cette palette triste.
Et soudain, du jour au lendemain, au coin des rues, pas de vert mais une explosion de rose. Dans certaines rues il semblait comme si quelqu'un avait soudain arrache une couverture faisant apparaitre des bosquets de couleur comme on tire un lapin d'un chapeau haut-de-forme. Et c'est rose vif, d'une couleur impossible a reconstituer avec des crayons de couleur. On en voit de rues entieres comme ca.
Mon souvenir le plus vivace est de Bonn en Allemagne ou je me trouvais une fois pour un congres. J'habitais un petit hotel, choisi pour son nom, l'hotel Mozart, dans un quartier correct mais pas trop bourgeois pres de la gare, un de ces quartiers convenables mais sans personnalite reelle qu'on trouve de l'Atlantique a l'Oural. Mais ce Mars la, mon Dieu, avec ces arbres en fleurs! Tous les jours pour une semaine, marchant dans la rue entre une toiture de fleurs, je me sentais comme dans un film de Kon Ichikawa. Il y en avait un qui s'appelait "les Soeurs Makioka," un de ces films asiatiques longs en contemplation esthetique (comme ceux de Tran Dinh Hung). On y trouve une scene extraordinaire ou les soeurs, beautes celebres de leurs temps, se promenent dans un jardin fleuri pour la fete du printemps. Les prises de vue sont les plus belles de l'histoire du cinema. Et a Bonn j'etais aux cote des soeurs Makioka.
Avec les arbres blancs, les pommiers, du fond de ma memoire remonte un trajet en train, de Geneve a Lausanne. Quelque part apres Nyon, les constructions s'eclaircissent et derriere les haies, de superbes arbres tout de blanc vetus se detachent comme autant de perles precieuses sur l'ecrin magique du lac Leman, le tout devant l'arriere-scene superbe que presente les Alpes, ou avec un soleil propice on peut distinguer le Mont Blanc. On dit que la culture c'est que qui reste quand on a tout oublie. Alors les pommiers, c'est ce qui reste quand la memoire visuelle s'est dissipee. Il n'en reste plus que ces essences en fleurs, ainsi qu'un vague souvenir de s'est bas beau mais ca fa fite (1)corse' de l'expression italienne la plus connue du monde : e pericoloso sporgersi. (2).
Ainsi, dans la chaude nuit tropicale ou les alizes caressent le peau nue, je me souviens de climats plus temperes et d'un moi beaucoup plus jeune.
Notes pour les perplexes
(1) le sigle du chemin de fer suisse, c'est SBB/CFF pour Schweizerische Bundes Bahnhof / Chemins de Fer Federaux, mais la transcription dans le texte est la plus repandue
(2) Il est dangereux de se pencher dehors. On voit ca dans tous les compartiments.
J'ai hiverne dans mon passe
Revienne le soleil de Paques
Pour rechauffer un coeur plus glace
Que les quarante de Sebaste
Apollinaire
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